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16/09/2010, 18h28
LA NOOSPHERE ou LE MONDE DES IDEES

La noosphère, concept forgé par Vladimir Vernadski, et repris par Pierre Teilhard de Chardin, serait le lieu de l’agrégation de l’ensemble des pensées, des consciences et des idées produites par l’humanité à chaque instant. Cette notion, qui repose généralement sur des considérations plus philosophiques que scientifiques, fut l’objet de débats assez vifs et reste associée à une forme de spiritualisme aujourd’hui assez marginal. On peut la rapprocher des notions de géosphère, de biosphère ou encore d’infosphère.


La Noosphère

Teilhard de Chardin a développé sa vision d’une humanité en voie de « planétisation ». C’est la vision d’une humanité dont l’imaginaire, les pensées, les idées, les découvertes, en d’autres termes le psychisme ou la conscience tissent progressivement une « noosphère » de plus en plus serrée et dense, génératrice de toujours plus de conscience, et d’une conscience de plus en plus solidaire, de plus en plus planétaire. Par « noosphère », Teilhard désigne le milieu, ou la dimension, de pensée et de conscience qui, depuis le début de la vie sur terre a progressivement évolué pour finir par envelopper et imprégner toute la biosphère, à la manière d’une autre atmosphère, faite cette fois non pas d’oxygène, mais de psychisme. Parce que l’humanité se multiplie et se répand sans cesse à la surface d’une terre limitée géographiquement, Teilhard voit les humains se resserrer les uns sur les autres, et cette densification de l’humanité équivaut pour lui à une densification de la noosphère, donc une intensification de la conscience. Cette densification progressive amène à un retournement sur elle-même de la conscience, phénomène que Teilhard appelle « le Réfléchi ». Il voyait l’humanité prendre progressivement conscience d’elle-même et de ses possibilités sur une terre rendue de plus en plus petite sous l’effet de la croissance d’une population humaine toujours plus serrée sur elle-même, donc plus « échauffée » psychiquement, donc plus consciente d’elle-même. Si l’on a pu rapprocher son concept de « planétisation » de la Mondialisation, on peut aussi opposer le Mondialisme destructeur avec l’émergence d’une nouvelle Conscience Globale constructrice et libératrice.

Selon Marc Halévy-van Keymeulen, “La noosphère est définie comme le monde des idées, des “eidos” qui sont les formes, il ne s’agit pas du tout du monde des Idées de Platon, il s’agit même de son radical contraire.
Les idées noétiques ne sont ni immuables, ni absolues, ni a-priori.

Elles ne sont pas immuables parce qu’elles sont vivantes, parce qu’elles naissent, vivent et meurent au gré des paradigmes ou, simplement, des interprétations successives qu’on leur donne à chaque visite.
Elles ne sont pas absolues parce qu’elles ne vivent qu’en relation avec d’autres idées au sein de systèmes et de réseaux complexes et évolutifs, au fil des connexions qu’elles établiront ou perdront avec d’autres idées.
Elles ne sont pas a-priori puisqu’elles émergent peu à peu, émanations successives du processus pensant, du processus noétique créateur d’idées.

La Noosphère est le lieu d’une dynamique, d’une fermentation créative permanente se nourrissant à la fois des vécus bruts venant des couches inférieures et des opérations d’association et de structuration appliquées aux idées elles-mêmes.
Ces opérations sont de multiples natures et leur étude est précisément l’objet de la noétique qui, ainsi, s’incorpore les études neurobiologiques et les techniques de créativité.

L’idée comme être immatériel : elle est effectivement abstraite, dématérialisée, informationnelle, mais cela ne signifie nullement qu’il faille sombrer dans les dualismes anciens qui séparaient ontologiquement la Matière et l’Esprit ; il ne s’agit nullement de cela car il ne peut y avoir d’idée sans support pour l’exprimer et la mémoriser, sans cerveau pour la penser et la créer. La noosphère est souchée sur le monde matériel, enracinée en lui comme l’arbre dans le sol ; elle y puise sa “nourriture” dans les cerveaux humains, ces systèmes neurobiologiques bourrés de molécules, d’atomes et d’énergie, bourrés d’archétypes et de présupposés acquis.

L’Esprit est de la Matière spiritualisée, comme dirait Teilhard de Chardin, de la Matière en voie de spiritualisation, une étape dans le processus cosmique de complexification. Mais il n’y a là aucune séparation du monde en deux mondes étanchément distincts. Ce point est capital parce qu’il s’oppose radicalement à tout platonisme, à tout idéalisme : même s’il y a effectivement saut de complexité et passage à un mode d’être radicalement autre, il y a continuité ontologique au sein de l’Être.
L’Esprit émane de la Matière comme la Matière émane de l’Energie, sans qu’il y ait rupture.
Bien plus, métaphysiquement, toute l’histoire de la complexification cosmique indique que l’émergence de chaque nouvelle couche, de chaque nouveau saut de complexité, de chaque échelon de l’échelle cosmique, ne fait qu’activer des potentialités déjà présentes, mais latentes.
Il a fallu que la sociosphère élabore des langages suffisamment développés pour qu’apparaisse l’embryon de la noosphère, l’embryon de l’Esprit, mais l’Esprit était déjà intensément présent dans l’Energie et la Matière et la Vie qui lui ont permis de s’actualiser.