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Voir la version complète : La Mandragore


Yadlajoie
12/12/2007, 08h27
INTRODUCTION : « la main de gloire », source d'envie mais aussi de crainte, fit l'objet, au moyen âge, d'un culte macabre, d'ailleurs interdit par l'église.

LEGENDE : Les précautions à prendre lors de la cueillette sont énoncées dans les écrits de Paracelse (1493-1541), mais figurent dans des manuscrits plus anciens, tels que ceux de Josèphe (37 à 90) : « La nuit du vendredi, lorsque les mandragores sont lumineuses après l'orage, il convient de les rechercher au pied d'un gibet, où le sperme du pendu leur apporte vitalité, ou sur les places de supplice ou de crémation. Un chien noir affamé, animal condamné, est attaché au pied de la plante, et, excité par le son du cor, est appelé au loin, devant franchir trois cercles concentriques inscrits à terre autour de la mandragore à l'aide d'un poignard magique. La plante émet lors de l'arrachage un cri d'agonie insoutenable, tuant l'animal, et l'homme non éloigné aux oreilles non bouchées de cire. La racine devient magique après lavage, macération et maturation en linceul ; elle représente l'ébauche de l'homme. Ainsi choyée, elle reste éternellement fidèle à son maître et procure à son possesseur, prospérité prodigieuse, abondance de biens, et fécondité. »

PROPRIETES : Si, en théorie, la mandragore peut être à l'origine d'une intoxication mortelle, en pratique, de multiples vertus thérapeutiques lui sont attribuées : sédative, antispasmodique, anti-inflammatoire (en cataplasme), hypnotique et hallucinogène. Elle présenterait également des propriétés aphrodisiaques lui conférant une vertu fertilisante : dans la Genèse, la fécondité de Rachel et Jacob, à l'origine des douze tribus d'Israël, serait à attribuer à la mandragore.

La mandragore : plante réelle ou mythe ?

HISTOIRE : L'utilisation de la mandragore semble très ancienne : en Mésopotamie (2000 ans av. J.-C.), les prêtres babyloniens de Chaldée y avaient recours pour son action narcotique et antalgique lors de rites initiatiques. Dans l'Egypte ancienne (1500 av. J.-C.), elle est retrouvée comme décoration et comme offrandes dans des tombes (Tout-Ankh-Hamon). La légende de Hathor lui attribue des propriétés somnifères, le Dieu soleil Amon Râ endormant à l'aide de jus de mandragore sa fille Hathor qui s'apprêtait à massacrer l'humanité. Hippocrate (460-380 av J.-C.), préconise son usage par voie interne en alcoolat à titre antidépresseur, antispasmodique et sédatif, ainsi que par voie externe pour les injections vaginales ou dans le traitement d’hémorroïdes. Théophraste (372-287 av J.-C.), élève d'Aristote, conseille le vinaigre de racine de mandragore comme inducteur de sommeil. A Rome, Celse (15 av. J.-C.) décrit son action narcotique. Pline l'Ancien (23-79 av J.-C.) précise que 1 cyathe (0,45 l de vin) de mandragore entraîne une action soporifique et diminue la sensibilité, et la recommande avant les ponctions et incisions. Dioscorides (41-68 av. J.-C.), chirurgien de Néron, recommande une variété de mandragore en inhalation avant les amputations et les accouchements. Apulée (4ème siècle) précise : « si l'on doit couper ou cautériser quelque membre, ou y porter le fer, que le patient boive une demi once de mandragore dans du vin, et il dormira jusqu'à ce que le membre soit coupé, sans éprouver aucune douleur ». Au moyen âge apparaissent les éponges soporifiques (ou somnifères) ; Saint Benoît décrit (en 880) l'inhalation à usage somnifère et antalgique d'un mélange de mandragore jusquiame et opium. Des moines italiens des 12ème et 13ème siècles reprennent ces modalités d'utilisation. Le réveil est obtenu par inhalation de vinaigre. « La grande chirurgie » de Guy de Chauliac (Montpellier, 1363) analyse de nombreuses recettes dites « endormitives » à base de mandragore, opium, ciguë, laitue, etc. En cette époque de magie et d'alchimie, de nombreux bréviaires mentionnent l'action sédative de la plante et la possibilité de réalisation d'incisions lors de son administration. J.Gérard (Londres, 1597) préconise le vin ou l'infusion de mandragore pour son effet somnifère et son effet antidouleur. Depuis le 18ème siècle, l'usage de la mandragore est tombé en désuétude. Curieusement, Dauriol (Toulouse, 1847) remet à la mode les éponges de sucs de solanacées et rapporte leur utilisation lors d'amputation de doigts, d'ablation de tumeur palpébrale ou du sein, et de cure de fistule anale. Quelques années auparavant, M.Baur avait démontré l'effet clinique minime obtenue lors de l'utilisation de la plante, dont l'efficacité serait à rechercher plutôt dans le domaine du spiritisme ou de l'ésotérisme. Au 20ème siècle, la mention de l'utilisation de la mandragore comme antalgique ou hypnotique a pratiquement disparu des formulaires pharmaceutiques, à l'exception de quelques usages possibles comme antispasmodiques ou antitussifs. Son utilisation n'est plus que l'apanage de guérisseurs et sorciers africains qui l'utilisent pour ses effets sédatifs et hallucinogènes, ainsi que pour ses prétendues vertus sexuelles.

CONCLUSION : La mandragore (Mandragora officinarum) est une plante herbacée vivace, de 5 à 15 cm de haut, à la grande racine fusiforme divisée en 2 ou 3 branches de couleur blanchâtre. Les feuilles, qui apparaissent un peu avant la floraison, sont ovales, hérissées, ciliées et toutes radicales. Les fleurs, solitaires, sont portées par des pédoncules qui naissent au centre de la rosette de feuilles ; elles ont un calice divisé en 5 lanières lancéolées-pointues et une corolle apétale, conique-campanulée à 5 lobes aigus ; elles éclosent entre mars et mai et sont blanchâtres ou pratiquement vertes. Le fruit est une baie oblongue et jaune. Cette espèce vit surtout en Espagne, Italie et Grèce. Elle doit sa célébrité à la mandragorine, complexe alcaloïde dont l'action est semblable à celle de l'atropine.